Préhistoire
Les premiers hommes sont apparus sur le site de Vienne dès le Néolithique moyen (4700-3400 av. J.-C.). Le premier habitat (foyers et matériel lithique) a été en effet découvert en 1920, sur une petite butte cristalline du quartier d'Estressin, proche du Rhône : le coteau Sainte-Hélène (vers 4000 av. J.-C.). D'autres vestiges sont attestés dans la plaine d'Estressin, sur les terrasses de Charavel, ainsi qu'à Saint-Romain-en-Gal (sépulture renfermant un crâne trépané, exposé aujourd'hui au Musée des beaux-arts et d'archéologie de Vienne). Plus jamais, le site de Vienne ne fut abandonné par l'homme. Les époques suivantes ont fourni des témoignages archéologiques particulièrement abondants, principalement l'âge du bronze (2000-800 av. J.-C.), trouvailles de haches, d'épées, de couteaux, de céramique témoignent de la grande importance du site de Vienne, probablement un carrefour commercial majeur sur les voies du couloir rhodanien et l'axe entre les Alpes et le Massif central75, fut trouvé le célèbre char processionnel à La Côte-Saint-André, exposé aujourd'hui au musée gallo-romain de Fourvière7
Antiquité
VIENNE - CITE GAULOISE : La prééminence des AOLLOBROGES : les origines (cliquez sur le lien ci-avant).
Des Celtes arrivent sur ce territoire dont l'une de ces tribus, les Allobroges (les gens venus d'ailleurs) autour du ve siècle av. J.-C. Le territoire contrôlé par cette peuplade dont la capitale sera Vienne, s'étendra de Genève au mont Pilat, en passant par Cularo (future ville de Grenoble).
Des auteurs anciens, repris par des chroniqueurs médiévaux estiment qu'à la suite d'une importante famine (suivant Étienne de Byzance dans ses Ethniques du vie siècle), des Crétois émigrent en grand nombre de la cité crétoise de Viánnos et fondent la nouvelle ville de Viánnos qui deviendra ensuite la ville romaine de Vienna. Un auteur affirmant même que ces Crétois seraient venus en Gaule au retour d'Idoménée de la guerre de Troie77. Mais on sait aujourd'hui que ces interprétations fantaisistes relèvent souvent de l'étymologie populaire.
Sa situation excentrée dans ce territoire, ce qui pourrait apparaître comme un désavantage, est compensée par l'importance des voies de communication : point de rencontre des routes menant aux cols des Alpes et au cœur du Massif central, la capitale des Allobroges est également située sur l'axe rhodanien. L'emplacement occupé, à l'époque romaine, par le sanctuaire de Cybèle, permet de découvrir des vestiges des premiers temps Allobroges. Cet habitat gaulois comprend d'abord un double oppidum, constitué par les collines de Pipet et de Sainte-Blandine mis au jour dans les années 1950, permet de confirmer l'importance de ce site urbain : objets de la vie quotidienne (ustensiles de cuisine, outils, fibules, chenets) côtoient des objets de prestige importés d'Italie (vaisselle en bronze, objets liés au service du vin)78. C'est sur ces collines que les Viennois se réfugiaient en cas de danger. Mais l'établissement Gaulois s'étend aussi en contrebas de Pipet, sur un plan incliné constitué par l'ancien cône de déjection de la Gère et qui va jusqu'au Rhône. C'est l'habitat permanent révélé par les fouilles du sanctuaire de Cybèle dès 194579.
Vienne est aussi un port et, à ce titre, depuis plusieurs siècles, elle commerce avec Marseille, le monde grec, et avec l'Italie.
Au ier siècle, Strabon, appelait déjà Vienne, capitale des Allobroges. La puissance de Rome s'est manifestée en Gaule. À l'appel de Marseille, les Romains ont franchi les Alpes76 en 125 av. J.-C. et détruit le chef-lieu du peuple des Salyens, Entremont, près d'Aix-en-Provence. Les chefs salyens se réfugient alors chez les Allobroges. Ceux-ci refusent de livrer leurs hôtes aux Romains. C'est la guerre. L’armée romaine remonte le Rhône. Sans attendre les Arvernes, auxquels ils étaient alliés, les Allobroges engagent le combat, près du confluent du Rhône et de la Sorgue. Ils sont écrasés, laissant sur le champ de bataille 20 000 des leurs et 3 000 prisonniers. Quelques mois plus tard, cette fois avec les Avernes, ils furent de nouveaux battus par les troupes romaines au confluent du Rhône et de l'Isère. Le territoire allobroge fut annexé et entra dans la nouvelle Provincia (province, d'où viendra le nom de Provence) qui s'étend sur le Sud-Est de la Gaule.
En conséquence, la cité allobroge perd toute liberté et est soumise à l'impôt qu'en tant que vaincue elle doit à Rome. Cet impôt est très lourd, d'autant qu'il est affermé à des sociétés de publicains, soutenues par les gouverneurs qui en profitent pour réaliser d'énormes fortunes sur le dos des provinciaux. Déjà éprouvés par les invasions des Cimbres et des Teutons, en 107 av. J.-C. - 102 av. J.-C., les Allobroges se rebellent. L'envoi de deux délégations à Rome n'aboutit à aucun résultat. Alors, en 62 av. J.-C., Catugnatos, « chef de toute la nation », entraîne les Allobroges dans la révolte. Pendant deux ans, il tient tête aux légions romaines. Mais le pouvoir de Rome est trop solide. En 61 av. J.-C., le proconsul Pomptinus s'empare de Solonion, ce qui met fin à la guerre. Vienne est évoquée dans la guerre des Gaules (58-52) sous la plume de Jules César80.
VIENNE - CITE ROMAINE
Les Allobroges ont aussi joué un rôle déterminant dans l'histoire de Rome, en effet lors de La conjuration de Catilina qui est un complot politique visant la prise du pouvoir à Rome en 63 av. J.-C. par le sénateur Lucius Sergius Catilina81. Les Allobroges, qui étaient venus à Rome pour se plaindre des conditions économiques de leur province et de la cupidité de leurs magistrats82 rencontrent les conjurés, qui faisant feu de tout bois, tentent de se rallier tous les mécontents, même des Gaulois. Les Allobroges hésitent sur le parti à prendre, puis se rallient au pouvoir en place83. Sur l'incitation de Cicéron, ils obtiennent des conjurés de précieuses informations. Ils exigent même une lettre d'intention signée des conjurés, qui tombent sans se méfier dans le piège84. Interceptés à leur départ de Rome, les Allobroges remettent cette lettre au Sénat. Le Sénat n'a plus alors qu'à cueillir les partisans du coup d'État. Les sénateurs reconnaissants, votèrent des récompenses, pour les fidèles Allobroges. Sur le vase à médaillon d'applique est inscrit : « Vien(na)/Flor(entia)/Felix, et à la base : Felix Vienna Potens Florentia suo principe salvo » (Vienne est heureuse, puissante et florissante, car son empereur est en bonne forme).
Pendant la guerre des Gaules, Vienne est fidèle à Jules César. D'ailleurs c'est à Vienne qu'il installe un corps de cavalerie de renfort. Ainsi, après la guerre, certains Allobroges sont récompensés. Vers 45 av. J.-C., Tiberius Claudius Nero, père du futur empereur Tibère, aurait installé à Vienne d'anciens soldats de troupes auxiliaires, mais pour peu de temps, puisqu'au lendemain de l'assassinat du dictateur, en 44 av. J.-C., ils sont expulsés et vont s'établir au nord, au confluent du Rhône et de la Saône où, l'année suivante, Lucius Munatius Plancus fonda pour eux la colonie de Lugdunum. Il n'y eut peu de conséquences pour Vienne80.
Les origines de la colonie romaine de Vienne sont fragmentairement connues et ont fait l'objet d'hypothèses diverses. On a longtemps estimé que Vienne fut promue dès 40 av. J.-C., colonie latine par Jules César sous le nom de Colonia Julia Viennensis. Selon cette hypothèse c'est en 44 av. J.-C., qu'une révolte gauloise chassa les Romains de Vienne qui fondèrent une autre colonie à proximité, à Lugdunum. Octave aurait ensuite réinstallé une colonie à Vienne. On présume plutôt aujourd'hui que les Romains furent chassés de Vienne en -62 lors de la révolte de Catugnatos. Ce n'est donc que sous Octave que la cité aurait reçu, comme Nîmes, le statut de colonie latine85.
Vienne devient rapidement un centre important du commerce et des échanges avec la Méditerranée, de vastes entrepôts découverts à Saint-Romain-en-Gal en témoignent. Elle s'étend alors de part et d'autre du Rhône86.
En 48, dans son discours au Sénat, reproduit par la Table claudienne (exposée au musée gallo-romain de Fourvière), l'empereur Claude évoque : « ornatissima ecce colonia valentissimaque Viennensium »87 (la très puissante colonie des Viennois, richement ornée)88.
Elle obtient le privilège impérial de s'entourer d'une muraille dès le ier siècle apr. J.-C. Cette muraille fait 7,2 km de long, soit la plus longue des Gaules ; la superficie enclose, 250 ha environ, en fait également une des plus importantes villes des provinces gauloises89. Entre 35 et 41 elle fut promue au statut de colonie romaine, sans doute par Caligula. Elle fut un centre important durant la période romaine, rivalisant avec sa voisine Lugdunum (Lyon). Sa parure monumentale édifiée sur des terrasses successives dominant le Rhône était impressionnante et de nombreux vestiges en témoignent : Temple d'Auguste et de Livie, arcades du forum, théâtre et odéon, hippodrome, murailles, thermes sont encore partiellement ou totalement en élévation. De nombreuses découvertes et fouilles archéologiques depuis le xvie siècle offrent l'image d'une cité riche et puissante : des monnaies (As de Vienne, Dupondius...), de très nombreuses mosaïques, des fresques, travail du marbre (statues, colonnes...), de la vaisselle de terre cuite, Vienne se distingue par une production de céramiques fines de tradition italique et des vases de tradition celtique avec une production qui atteint un rythme presque industriel avec de nombreux ateliers, ainsi que le travail du plomb sous produit de l'extraction de l'argent, est attesté par plus de 70 signatures de plombiers qui figurent en particulier sur des tuyaux, les archéologues supposent que les mines de plomb locales intensément exploité au xixe siècle l'étaient déjà durant l'antiquité, mobilier86. Le site archéologique de Saint-Romain-en-Gal, un des quartiers de la ville antique qui s'étendait sur les deux rives du Rhône, témoigne de cette richesse.
Les Viennois savaient aussi se divertir, les magistrats de la ville dépensaient leurs revenus dans les représentations du cirque. Un gladiateur Thrace nommé Gratus y remporta dix-sept fois la victoire. Il y avait aussi une troupe de comédiens, les Scaenici Asiatici, ainsi nommés en l'honneur de Decimus Valerius Asiaticus, leur protecteur. Il y eut une bourgeoisie cultivée désireuse de se mêler au mouvement intellectuel de Rome90.
2017 : découverte de "la petite POMPEI" à Sainte Colombe :
En 2017 est mise à jour lors de travaux de constructions d'immeubles, un site de 7 000 m2 réparti entre Vienne, Saint-Romain-en-Gal et Sainte-Colombe, comprenant des espaces publics, des maisons luxueuses, des boutiques d'artisans et des entrepôts de marchandises, correspondant à une ancienne place de marché de 4 500 m2 avec une fontaine monumentale en son centre. Un premier incendie aurait contraint les habitants à quitter les lieux. Abandonné au iiie siècle, le site est victime d'un second incendie et transformé en un grenier à grains surélevé, devenant par la suite une nécropole au haut Moyen Âge, avec une soixantaine de sépultures93, des équipements militaires, cotte de mailles, glaive sont découverts, ainsi que de très nombreuses mosaïques, et hypocauste, feront qualifier le site de petite Pompéi par les journalistes.
Moyen Âge
Vienne, durant le Moyen Âge, devient une cité de très grande importance, près des centres de pouvoir, des grands courants d'échanges et est impliquée par les grands conflits qui secouent les grandes puissances. Au Haut Moyen Âge, les Radhanites animent le commerce international et font de Vienne un de leurs importants centres de commerce94
En l'an 500, Vienne se trouve mêlée à un conflit de pouvoir fratricide, Gondebaud instigateur de la mort de ses frères Godomar et Chilpéric (père de Clotilde), souhaite que Godégisile son frère, lui restitue la ville fortifiée qu'il occupe à la suite d'un complot que ce dernier avait fomenté avec l'appui de Clovis et qui visait à l'éliminer. Gondebaud vient assiéger Vienne et parvient à s'en emparer grâce à un stratagème que nous a rapporté Grégoire de Tours95: « Quand les aliments commencèrent à faire défaut au menu peuple, Godegisel craignit que la famine ne s'étendît jusqu'à lui, fit expulser le menu peuple de la ville. Ce qui fut fait; on expulsa, entre autres, l'artisan à qui incombait le soin de l'aqueduc, irrité d'avoir été chassé de la ville, il se rend chez Gondebaud, et lui indique comment il pourrait faire irruption dans la cité en passant par un aqueduc. Guidé par l'artisan, les troupes entrent et s'emparent de la ville, et Godegisel est tué »96. Le rôle politique de Vienne se poursuit après la fin de l'Empire : l'évêque de Vienne Avit (490-525) qui prêche une homélie au baptême catholique de Lenteildis (Lantechild) sœur de Clovis, a pu contribuer à la conversion de Clotilde (nièce de Gondebaud qui a vécu auprès de lui), il eut part à la conversion97 de Clovis qu'il félicite pour son baptême; il convertit Sigismond, fils du roi de Burgondie Gondebaud. Il favorise la fondation de Saint-Maurice d'Agaune (en Suisse), il convoque en 517 le concile d'Épaone.
L'évêque Pantagathe (mort en 540) est questeur de plusieurs rois burgondes. Le Sénat de Vienne est mentionné jusqu'à la fin du viie siècle. Vienne demeure un centre d'enseignement des Lettres classiques, ce qui vaut à l'évêque Didier (596-607) d'être rappelé à l'ordre par le pape Grégoire le GrandB 1. Bède (Codex Amiatinus) relate que Benoît Biscop, se rendit cinq fois a Rome pour acheter un nombre considérable de livres en 674, et laissa en dépôt temporaire à Vienne ses précieux manuscrits98.
Vers 730, la ville est attaquée par les Sarrazins, qui pillent la vallée du Rhône. Elle retrouve un rôle de premier plan lorsque l'Empire Carolingien se désagrège. En 844,Gérard II de Paris (beau-frère de l'empereur Lothaire Ier) reçoit le duché de Lyon qui comprend le comté de Vienne et de Lyon afin d'en assurer le commandement militaire et de repousser les raids des Sarrasins encore présents en 842 dans la région d'Arles. En août 869, à la mort de Lothaire II de Lotharingie et à la suite du traité de Meerssen qui organise sa succession, Charles le Chauve négocie avec son demi-frère Louis II le Germanique et obtient le comté de Lyon et celui de Vienne. Girart II qui avait été nommé régent du duché et du comté, refuse ce partage et entre en rébellion contre Charles le Chauve qui lui avait déjà ravi le comté de Paris. Dès lors le roi de Francie occidentale marche rapidement avec son armée sur Lyon qui ne résiste pas, puis sur Vienne, dont la défense est dirigée par Berthe, la femme de Girart. La ville fortifiée résiste pendant plusieurs mois, mais les troupes dévastent la campagne. Girart accourt et demande une capitulation honorable. Cette demande est acceptée et Girart cède alors Vienne à Charles le Chauve qui en prend possession la veille de Noël de l'an 870. Profitant de l’affaiblissement du pouvoir impérial Boson, se fait élire roi de Provence en 879 sous le titre de Boson V de Provence et installe a Vienne sa capitale. Cependant, il déclenche une guerre avec les empereurs successifs et Vienne est assiégée à plusieurs reprises. Le siège de fin 880 par les troupes de l'alliance des rois carolingiens Charles III le Gros, Louis III de France et Carloman II de France est défendu avec succès par Ermengarde, l'épouse du roi Boson. Après des assauts réitérés et furieux, mais inutiles, les trois monarques prirent la résolution de changer le siège en blocus. Ce blocus dura jusqu'en 882, après quoi la ville fut contrainte d'ouvrir ses portes. Les troupes de Charles III le Gros, nouvellement élu empereur germanique d'Occident, prirent la ville qui fut pillée et incendiée. Boson sera finalement reconnu roi de Provence en 884.
Le 11 janvier 887 il meurt à Vienne, et est inhumé dans la Cathédrale Saint-Maurice. Son épouse Ermengarde fille de Louis II le Jeune est nommée régente du royaume de Provence avec l'aide de Richard le Justicier, frère de Boson. Louis III l'Aveugle, fils de Boson et de Ermengarde, se fait élire et couronner roi d'Italie le 5 octobre 900, puis empereur d'Occident de février 901 à juillet 905, rendu aveugle, il revient à Vienne sa capitale d'où il règne sur le royaume de Provence jusqu'en 911. Vienne est ensuite restée la capitale du Dauphiné, capitale du royaume de Provence, depuis 882 capitale du royaume de Francie occidentale, et de 933 jusqu'en 1032 capitale du royaume d'Arles. Le royaume constitué par son père, s'étend de la Mer Méditerranée à la Franche-Comté, finit par être rattaché au Saint-Empire romain germanique en 1032 à la mort sans héritier de Rodolphe IIIB 1 mais les vrais dirigeants restèrent les archevêques de Vienne.
L'importance de l'Église, mise à mal par les invasions arabes et les spoliations seigneuriales, se rétablit au cours des ixe et xe siècles. L'évêque Adon (859-875) est une grande figure de cette période : il rédige une chronique, des vies de saints, un martyrologe... Des domaines sont restitués à l'Église, d'autres lui sont donnés, les églises Saint-Pierre et Saint-André-le-Bas sont confiées à des chanoines, puis retrouvent leur état monastique au xxe siècle. Au commencement du siècle suivant, le monastère féminin de l'abbaye Saint-André-le-Haut est restauré. L'église paroissiale actuelle de Saint-Romain-en-Gal est reconstruite au xe siècleB 1.
Bas Moyen Âge
Il y eut de bonne heure des moulins à eau pour moudre, battre, en utilisant la force motrice des eaux des rivières. En 1031, le roi Rodolphe III, donne trois moulins situés vers l'actuelle place de l'Affuterie à l'Abbaye de Saint André le Haut, en 1104 est relaté le don des moulins du Turitet par Gui de Bourgogne au prieuré de Saint Ruf à Saint Martin. Les activités d'industries se développent : peausserie, métiers du cuir, de la forge...
En 1023 par le traité d'Orbe, le dernier roi de Bourgogne Rodolphe III, donne à l'archevêque Burchard II le comté de Vienne et les droits qui s'y rattachent. Cet acte renforce la puissance temporelle des évêques de Vienne qui demeurent seigneurs de la ville, et qui l'érige en principautés ecclésiastiques, dépendante directement de l'empereur du Saint-Empire romain germanique, jusqu'en 1450, date du rattachement de la ville et du comté de Vienne au Royaume de France. En octobre 1111 à l'instigation du pape Pascal II, l'archevêque Gui de Bourgogne réunit à Vienne un concile, ayant pour objet l'excommunication de l'empereur Henri V qui le 13 avril 1111 avait contraint le pape à lui accorder l'investitures laïques. En 1118, à la mort de Pascal II, qui avait prêché la croisade, Gélase II est élu pape en catimini par un petit groupe d'évêque. Ce choix ne convient pas à l'Empereur d’Allemagne Henri V qui accourt à Rome, et fait élire pape Grégoire VIII. Gélase II est alors chassé de Rome, et il excommunie son rival. Dans les premiers jours de janvier 1119 le pape Gélase II tient à Vienne un concile, puis il se rend à Cluny ou il meurt d'une pleurésie le 29 janvier 1119. Le 2 février 1119, Gui de Bourgogne ancien archevêque de Vienne (1088 à 1119) est élu pape, sous le nom de Calixte II (1119-1124). En juin 1120, il frappe d'anathème l'empereur Henri V, puis il parvient à rentrer à Rome et à s'emparer de Grégoire VIII, qu'il qualifie d'antipapes, et il l'humilie publiquement en le promenant dans Rome montée sur un chameau, le visage tourné vers la queue, couvert d'un manteau de bouc encore crue et sanglantes (bouc émissaire). Grégoire VIII est enfermé dans un monastère ou il meurt quelques années plus tard99. Calixte II confirme à l'église de Vienne son rang archiépiscopal et sa juridiction sur six évêchés suffragants, c'est-à-dire dépendant de Vienne : Genève, Grenoble, Valence, Die, Viviers et Maurienne. Il lui donne aussi celui de Primat des Primats des Gaules, avec la primatie sur six archevêchés : Bourges, Bordeaux, Auch, Narbonne, Aix et Embrun. Son rang d'archichancelier du sacré palais de Bourgogne lui est confirmé par une bulle d'or de 1157 de l'empereur Frédéric Barberousse. Les grandes arcades de la nef de la cathédrale témoignent encore de la puissance de l'archevêque dans la première moitié du xiie siècleB 2.
Les xie et xiie siècles sont pour les autres établissements religieux de la ville une période faste. L'église de Saint-André-le-Bas est réaménagée et pourvue de voûtes ; le cloître du même monastère est reconstruit. À Saint-Pierre, de grandes arcades divisent la nef en trois vaisseaux ; le clocher-porche est élevé. Le prieuré de Notre-Dame-de-l'Isle, de la congrégation des chanoines de Saint-Ruf, est rebâti. La richesse de la ville est également visible dans le décor de la galerie sculptée situé au troisième niveau d'une maison de la rue des Clercs. La communauté juive100, rassemblée autour de Saint-André-le-Bas, est florissanteB 2.
Le xiiie siècle est marqué par la personnalité de l'archevêque Jean de Bernin (1217-1266). Il fait rebâtir le chœur de la cathédrale, fait enlever les sépultures des rois de bourgogne (le roi Boson, d'Ermengarde veuve du roi Rodolphe, et celle de Mathilde femme du roi Conrad) pour faire construire les chapelles de Notre-Dame, de Saint-Jean, de Saint Maurice & des Maccabées (détruites en 1804 et 1805). Le mercredi 19 avril 1251, le pape Innocent IV accompagné des cardinaux et de la curie romaine et de l'archevêque élu de Lyon, Philippe Ier de Savoie ancien doyen de Vienne vinrent à Vienne, le lendemain le pape consacra la cathédrale sous le titre de Saint Maurice et l'enrichit d'indulgences perpétuelles. Jean de Bernin fait édifier: le Château de la Bâtie, l'Hôtel-Dieu du pont sur le Rhône, ainsi qu'une chapelle surmontée d'une croix (le surpoids engendra la chute d'une pile du pont), il donne des libertés aux bourgeois de Vienne qui élisent désormais des consuls. Le livre à la Chaîne qui consigne ces libertés, est aujourd'hui conservé aux Archives municipales de Vienne. Cependant, en 1253, Jean de Bernin légat du Pape Grégoire IX, favorisa des mesures discriminatoires, à l'encontre des habitants de la province de confession juive. À cette époque, un autre acteur politique apparaît: le chapitre de la cathédrale, composé de chanoines, devient une entité distincte de l'archevêché. Il prend part aux conflits où figurent également les Dauphins et les comtes de Savoie. De nouveaux ordres s'établissent: les franciscains, à Sainte-Colombe au début du xiiie siècle, et les antonins aux Portes de Lyon à la fin du même siècleB 2. En 1274 lors du concile de Lyon, le pape Grégoire X, se rend à Vienne et consacre Pierre II de Tarentaise comme Archevêque de Lyon (élu pape deux ans plus tard en 1276 sous le nom de Innocent V). En 1289 eut lieu le concile provincial de Vienne101 et l'archevêque Guillaume de Livron imposa le port infamant de la rouelle cousu sur les vêtements des Viennois juifs102.
Le début du xive siècle est marqué par le concile de Vienne de 1311-1312103. Les personnalités les plus influentes de toute l'Europe : cardinaux et évêques, légats, sont réunis à Vienne, autour du pape Clément V et du roi de France Philippe le Bel accompagné de ses fils. L'assemblée proclame la dissolution de l'Ordre du Temple et la confiscation des biens des Templiers (décrétales104: les « Clémentines »). La création de l'ordre militaire : la milice des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, précurseur de l'Ordre du Temple fut constitué en 1118 durant la querelle des investitures sous l'œil bienveillant de Gui de Bourgogne archevêque de Vienne qui fut élu pape quelques mois plus tard, et c'est à Vienne encore que l'ordre est abrogé par Clément V105 qui avait voulu, lui aussi, se faire couronner à Vienne comme son lointain prédécesseur le pape Calixte II. Mais Philippe le Bel avait préféré Lyon et le nouveau pape avait obtempéré. Devant l’opulence de Vienne, le roi Philippe le Bel annexe Sainte-Colombe à son royaume et fait bâtir la Tour des Valois en 1336, qui contrôle le débouché du pontB 3. En 1312, le rattachement de Lyon au royaume de France est acté au concile de Vienne par l'acceptation de l'archevêque Pierre de Savoie du Traité de Vienne. Le dynamisme de Vienne marqué par l'installation des dominicains et des carmes (fin du xive siècle), est anéanti par les difficultés des xive et xve siècles : famine, peste noire, dévastation de l'arrière-pays par les bandes armées de la guerre de Cent Ans, transport du Dauphiné de Viennois à la France le 30 mars 1349, par le Traité de Romans, où le dauphin Humbert II vend ses États (sauf Vienne) au roi de France Philippe VI de Valois106(La cérémonie officielle a lieu à Lyon Place des Jacobins le 16 juillet 1349)107. Humbert II fit ensuite une carrière distinguée, en France du Nord. Comme le roi l'avait promis lors de son séjour à Sainte-Colombe, en 1343 par lettres patentes datée d’août de la même année, désormais lui et ses successeurs à qui appartiendra le Dauphiné seront appelé Dauphin de Viennois108. La ville, qui relève toujours du Saint-Empire romain, se trouve encerclée par le Royaume de France. Finalement, l'archevêque reconnaît l'autorité royale en 1450 (par le Traité de Moras), mettant fin à l'indépendance de facto de la villeB 3. En 1432, Vienne sera personnifiée dans un poème de galanterie chevaleresque, écrit par Pierre de La Cépède sous l'apparence de la fille du Dauphin de Viennois, qui tentera de résister a la convoitise passionnée de Paris, Il s’agit de l’« Histoire du très vaillant chevalier Paris et de la belle Vienne »
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